La prochaine Loi Pinel modifiée par le fruit du travail de la commission Grandguillaume, qui devrait être validé au Sénat aujourd'hui, a permis de résoudre un certain nombre de points sur le régime de l'auto-entreprise. Il en reste néanmoins un très épineux : la CFE (cotisation foncière des entreprises), une cotisation au centre d'un énorme nœud juridique et fiscal. Explications : La CFE, un impôt fixé par les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) : La CFE est l'une des 2 composantes de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Jusqu'alors exonérés, les auto entrepreneurs vont désormais y contribuer - exception faite l'année de la création de l'entreprise où comme toute entreprise, l'auto-entrepreneur ne réglera pas de CFE. Son mode de calcul pose problème et pourra s'avérer fatal pour certains. La nouvelle loi de finance, épée de Damoclès de l'auto-entreprise : Exit le danger de diviser le chiffre d'affaires de l'auto-entrepreneur par deux, exit l'idée de limiter dans le temps le régime. Les auto-entrepreneurs ont préservé leur régime mais pas sans heurt. Alors que ses représentants et Laurent Grandguillaume défendent l'idée d'une CFE proportionnelle au chiffre d'affaires, la loi de finance 2014 a supprimé l'exonération de CFE en faveur des auto-entrepreneurs et créé des tranches pour encadrer les montants de celle-ci. Tout le monde se souvient, il y a deux ans, des montants exorbitants fixés par les communautés de communes. Des montants aux effets parfois dramatiques puisque certains petits commerces ont dû mettre la clé sous la porte face à des cotisations parfois supérieures à 2 ou 3 mois de "rémunération" d'un gérant d'entreprise qui ne se payait que 1000 € par mois.
Dans cet esprit et pour éviter les abus, le législateur a établi une grille encadrant le montant de la cotisation :
Montant du chiffre d'affaires |
Montant de la base minimale |
Inférieur ou égal à 10 000 € |
Entre 210 € et 500 € |
Entre 10 000 € et 32 600 € |
Entre 210 € et 1 000 € |
Entre 32 600 € et 100 000 € |
Entre 210 € et 2 100 € |
0 chiffre d'affaires ? 210 € de cotisation minimum ? Si l'on épluche la loi de finance, rien n'est prévu pour les créateurs d'entreprise réalisant peu ou pas de chiffres d'affaires. Une anomalie qui reviendrait par exemple à demander à un auto entrepreneur en activité secondaire, réalisant 3000 € de CA d'annuel, une cotisation de 240 €. On peut également se demander si les élus des communautés de communes sauront prendre en compte le fait qu'un auto entrepreneur déclarant 10 000 € de chiffre d'affaires, ne réalise pas 10 000 € de bénéfice, mais bien souvent, une fois les charges sociales, fiscales et les charges de fonctionnement déduites, un bénéfice approchant les 5 000 €.
Le danger est donc grand pour ceux qui sont dans l'achat revente si l'on suit la logique de ces tranches. Les réactions des représentants des auto entrepreneurs :
Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto entrepreneurs commente "Nous n'avons pas encore réussi à simplifier le mode de calcul de la CFE afin qu'il soit proportionnel au chiffre d'affaires de l'auto entrepreneur. C'est une aberration, car on va forcer les auto-entrepreneurs y compris ceux qui ne font pas de chiffre d'affaires à payer une taxe locale. Nous sommes vigilants ! L'auto entrepreneur va payer une taxe qui sert essentiellement à faire des investissements lourds dont les grandes entreprises sont les principales bénéficiaires, notre souhait est une CFE oui mais une CFE proportionnelle au chiffre d'affaires" avant de poursuivre "les auto entrepreneurs vont déjà devoir payer une nouvelle charge en 2015, charge qui sera reversée aux chambres de métier, or un pourcentage de la CFE est déjà reversé aux CMA ! Nous allons payer 2 fois, c'est anticonstitutionnel !". Aurélien Sallé, qui a lancé le mouvement Entreprenez votre vie demande que la CFE soit prélevée au niveau national et explique " On a réussi à sauver la base de l'auto entreprise "pas de CA, pas de charges", c'est quand même fou que malgré cela, le législateur ait mis en place une taxe qui soit levée y compris pour ceux qui réalisent 0 € de chiffre d'affaires. Les agglomérations doivent exonérer tous les auto entrepreneurs qui font moins de 10 000 € de CA. Je suis pour que les auto-entrepreneurs payent la CFE car il est normal qu'ils soient soumis aux mêmes taxes que les autres entreprises, par contre on ne peut pas demander 500 € à quelqu'un qui a facturé 2000 € dans l'année !". Du coté, de l'UAE (Union des auto entrepreneurs) son président François Hurel dénonce une complexification qui va à l'encontre même du fonctionnement du régime : "En tant qu'inventeur du régime de l'auto-entrepreneur, ma préconisation est que le calage de la CFE doit se faire au fil de l'eau, pour prélever à la source, sur la base du chiffre d'affaires encaissé. Le succès de l'auto entreprise repose sur sa simplicité administrative, simplicité dans laquelle la CFE doit s'intégrer. C'est une taxe qui se base sur le chiffre d'affaires et un savant calcul des collectivités territoriales. Elle est payée un an après avoir déclaré son chiffre d'affaire. Je ne suis pas satisfait de ce dispositif dans le cadre de la réforme actuelle. Imaginez qu'un auto- entrepreneur arrête son activité en 2015, il devra payer de la CFE en 2016. Les Auto entrepreneurs sont amenés à subir la complexité administrative des autres régimes !" et conclut "le gouvernement envoie un message contradictoire, il s'apprête à complexifier un régime qui marche grâce à sa simplicité. Si l'on avait écouté les recommandations de Monsieur Grandguillaume, la CFE serait basée sur un pourcentage du chiffre d'affaires. La situation qui se profile ne me convient donc pas". Concernant Ludovic Badeau, directeur d'EVOPORTAIL, la réaction est sans ambiguïté non plus: "Pas de chiffre d'affaires = pas de cotisations, c'est la promesse de base de l'auto-entreprise. On ne devrait pas pouvoir changer les règles du jeu en pleine partie, surtout la plus importante ! Sûrement une autre aberration qui attend les auto-entrepreneurs, mais qu'ils se rassurent, leurs défenseurs, pleins de bon sens, sont mobilisés et déterminés." L'info en plus... ... être exonéré de CFE, c'est possible sous certaines conditions ... (source www.apce.fr)
Exonération temporaire : Vous pouvez bénéficier d'une exonération totale de CFE pendant 5 ans, puis d'une exonération partielle pendant 9 ans en cas d'implantation dans une ZFU (zone franche urbaine) ; Vous pouvez être exonéré totalement ou partiellement de CFE pendant une durée maximale de 5 ans en cas d'implantation dans un BER (bassin d'emploi à redynamiser), une ZRR (zone de revitalisation rurale), une ZUS (zone urbaine sensible) ou une ZRD (zone de restructuration de la défense) ; Exonération permanente : Les auto-entrepreneurs qui exercent une activité artisanale, - où le travail manuel est prépondérant, - qui ne spéculent pas sur la matière première (les bouchers, charcutiers et boulangers ne sont donc pas exonérés), - et dont le capital engagé est de faible importance. Les chauffeurs de taxis ou d'ambulances (sous conditions). Déduire la CFE de sa taxe d'habitation : Vous pouvez déduire la CFE de votre taxe d'habitation si : - Les locaux professionnels sont entièrement distincts de l'habitation (avec une entrée séparée) ; - ils sont soumis à la cotisation foncière des entreprises (CFE) ; - ou s'ils sont aménagés de façon à les rendre impropres à l'habitation (salon de massage au sein de l'habitation, pièce utilisée comme bureau commercial, etc.) ; - à contrario, les locaux utilisés par les travailleurs indépendants (chambre d'hôte par exemple), même soumis à la CFE, sont imposables à la taxe d'habitation s'ils font partie de l'habitation personnelle du contribuable.