Rappelez-vous, entre 2013 et 2014, le régime auto-entrepreneur fut très décrié. Non pas par les Français qui étaient près de 90% à le soutenir, mais surtout par les Chambres des Métiers qui hurlaient à la concurrence déloyale.
Résultat, après diverses concertations, il avait notamment été imposé de complexifier l'inscription pour les artisans, via l'immatriculation, et même de la rendre payante à travers l'obligation du SPI (stage de préparation à l'installation). Les commerçants ont aussi eu droit à des formalités plus lourdes. L'objectif ? Rendre le parcours d’inscription aussi compliqué que pour les autres statuts, en d'autres termes, la simplicité de l'auto-entreprise devait laisser place à un peu de complexité tant les Français étaient nombreux à l'adopter. Un pari réussi puisque le nombre de créations d'auto-entreprises n'a jamais été aussi bas.
Une chute significative de créations d'auto-entreprises
Était-ce le but recherché ? On est en droit de se poser la question. Évidemment, complexifier lourdement le parcours d'inscription ne pouvait que casser la dynamique autour de l'auto-entreprise. Ainsi, la nombre de créations d'auto-entreprises est en net repli cette année, comparé à la même période en 2014 (Janvier > Mai) : - 15%
Le comparatif mois par mois est éloquent :
L'inscription rapide en ligne purement et simplement supprimée
Si avant une simple formalité en ligne permettait à chaque Français de créer son entreprise simplement, c'est désormais révolu ! A chaque type d'activité ses formalités et pour certains cela relève du parcours du combattant :
- Activité libérale : tout va bien ! Les formalités sont restées aussi simples qu'au premier jour. Il est toujours possible de s’inscrire rapidement en ligne via lautoentrepreneur.fr.
- Activité commerciale : plus compliqué ! Désormais, pour entreprendre une activité commerciale, le déclarant doit s'immatriculer en CCI ou auprès du Greffe du tribunal du commerce. Il n'est donc plus question d'une simple télé-déclaration en ligne comme au début.
- Activité artisanale : le summum de la lourdeur. Êtes-vous très très très motivé ? C'est mieux si vous souhaitez lancer une activité artisanale sous le régime de l'auto-entreprise. Oubliez la formalité simple en ligne. Désormais il faut obligatoirement passer par la Chambre des Métiers et compléter un tas de formalités et autres justificatifs. Mais ce n'est pas fini. Il aussi obligatoire de passer le SPI (stage de préparation à l'installation). Son prix et son contenu varient d'une région à l'autre, comptez 250 euros en moyenne et 3 à 5 jours. "Du grand n'importe quoi" nous confiait un nouvel auto-entrepreneur. Pour ne rien arranger, les délais pour une place en SPI atteignent parfois plus de 4 mois... et impossible de lancer son activité avant de le passer !
CFE : La taxe illisible
Auto-entreprise rime de moins en moins avec simplicité. Et ça ne concerne pas que les formalités. Si, à sa création sous Nicolas Sarkozy, il était prévu que les cotisations et autres taxes soient lisibles et sans surprise, ce n'est plus vraiment le cas avec la CFE.
Désormais, tous les auto-entrepreneurs doivent la payer à compter de la 2ème année d'activité (en cas de création en 2015, l'auto-entrepreneur paiera sa première CFE en 2017 sur la base de son chiffre d'affaires de 2016). La grosse problématique de cette taxe ? Sa complexité et l'impossibilité de prévoir son montant exact ! Bref, l’inverse de la philosophie de base de l'auto-entreprise. Il existe cependant des plafonds en fonction du chiffre d'affaires réalisé :
La Fédération des Auto-Entrepreneurs très remontée
Face à cette situation qui mélange lourdeurs administratives et taxation illisible, la Fédération demande à ce qu'une nouvelle réflexion soit portée sur le régime, et notamment de :
- Revoir le SPI et permettre à d'autres organismes de le délivrer. En d'autres termes, supprimer l'exclusivité de ce stage aux Chambres des Métiers. Gregoire Leclercq nous explique "L'objectif est d'ouvrir ce stage à la concurrence pour gagner en qualité et en disponibilité. Évidemment, la concurrence permettra aussi une baisse des prix profitable aux créateurs. Tout cela va dans le sens de la simplicité. Rien ne justifie que seules les CMA puissent délivrer le SPI. Et les témoignages que nous recevons nous incitent encore à demander son ouverture à la concurrence.".
- Supprimer l'immatriculation en CCI, pour les activités commerciales et en CMA, pour les activités artisanales, au profit d'un registre unique et totalement dématérialisé. Pour la FÉDÉRATION "L’immatriculation n’est pas justifiée : procédure trop lourde, facturation abusive par certaines Chambres, absence de dématérialisation, aucun suivi statistique avec les données... Bref, finallement cette immatriculation n'a rien de bon. Elle complexifie sans réel bénéfice.".
- Rendre lisible la taxe CFE grâce à un pourcentage minime prélevé sur le chiffre d'affaires, comme les autres cotisations.
"Faut-il avoir un esprit d’entrepreneur pour facturer quelques prestations ?"
La Fédération des auto-entrepreneurs dénonce des formalités réservées "aux plus motivés" aux personnes qui auraient "un esprit d'entrepreneur" et rappelle que la population des auto-entrepreneurs compte principalement des Français qui essaient "d’améliorer leur niveau de vie ou de sortir de la précarité du chômage". Plutôt qu'entrepreneurs, elle explique que "ces Français, pour une très large majorité, sont bien davantage des travailleurs autonomes".
En somme, elle réclame que les auto-entrepreneurs profitent de nouveau d'un statut simple aussi bien dans les formalités que dans le calcul de l'ensemble des prélévements obligatoires. Une sorte de statut "à part" à ne pas confondre avec les autres...