Réformer le modèle socio-économique français : tout un programme. Transformer en profondeur et de façon pérenne le modèle entrepreneurial ; donner aux entreprises les moyens de se transformer, d’innover et de créer des emplois, mais également protéger davantage les salariés, les chômeurs et les indépendants dans leurs parcours professionnels voilà ce qu’ambitionnent Emmanuel Macron et son premier ministre Édouard Philippe.
Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, s’intègre dans cette optique.
Evo’portail fait le point sur la mesure phare concernant les travailleurs indépendants : le droit à une indemnité chômage virtuel ou réel ?
L’assurance-chômage universelle, quel avenir ?
La législation existante :
Le travailleur indépendant ne peut prétendre à une assurance-chômage que sous certaines conditions strictes.
1ère condition : il doit justifier d’un contrat de travail.
2ème condition : le contrat de travail doit obligatoirement comporter 3 éléments cumulatifs.
- des tâches techniques ;
- un salaire ;
- un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié.
Sont concernées les personnes suivantes :
- travailleur indépendant ;
- chef d’entreprise ;
- gérant associé ;
- exploitant individuel (artisan, commerçant, profession libérale) ;
- conjoint collaborateur.
Sont exclues de l’assurance chômage dans tous les cas, les personnes suivantes :
- gérant égalitaire ou majoritaire d’une société à responsabilité limitée (SARL);
- associé unique ou gérant associé d’une entreprise unipersonnelle (EURL) ;
- associé ou gérant associé d’une société en nom collectif (SNC) ;
- contrôleur de gestion ou membre d’un groupement d’intérêt économique (GIE) ;
- micro-entrepreneur, qui ne peut être salarié.
L’absence de contrat de travail pour un entrepreneur entraîne 2 conséquences principales :
- impossibilité de cotiser à l’assurance-chômage ;
- impossibilité d’ouverture de droits à une indemnité chômage en cas de cessation d’activité.
Son seul filet de sécurité en cas d’arrêt de son activité repose sur une souscription volontaire d’un contrat d’assurance perte d’emploi auprès d’une assurance privée.
Ce qui avait été promis lors de la campagne présidentielle :
Le 14 janvier 2017 en pleine campagne présidentielle, le candidat Macron déclarait lors d’un meeting à Lille : « Je veux que la protection contre le chômage devienne une protection universelle, étendue à ceux qui n’y ont pas droit aujourd’hui ».
Le programme était clair sur ce sujet : « L’assurance-chômage universelle couvrira tous les actifs – salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs – et facilitera les transitions d’un statut à un autre ». (Site en-marche). Emmanuel Macron avait l’ambition de gommer les écarts de situation dans les dispositifs de l’assurance-chômage, « le chômage ne peut plus être un risque contre lequel certains se couvrent à titre individuel, et d’autres par des garanties collectives ».
Les mesures annoncées : mise en place d’une allocation forfaitaire pour les travailleurs indépendants
La mise en place d’une indemnisation chômage pour les travailleurs indépendants s’inscrit dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce projet de loi comporte 3 volets :
- L’apprentissage
- La formation professionnelle
- L’assurance chômage
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, estime qu’un « entrepreneur, c’est quelqu’un qui prend des risques » et d’ajouter que « jusqu’à présent, il n’y avait aucune aide si ça se passait mal ».
Ce dispositif loin d’être ouvert à tous les indépendants est très encadré.
Les propositions annoncées par le gouvernement pour de cette indemnisation :
- elle est plafonnée à un montant de 800 € par mois ;
- elle ne dépassera pas les 6 mois;
- l’indépendant devra être en liquidation judiciaire ;
- l’indépendant doit justifier d’un bénéfice annuel « autour de 10 000 € » selon Muriel Pénicaud.
Selon la ministre, cette mesure concernerait notamment : « les agriculteurs dont les défaillances d’exploitations ont continué d’augmenter en 2017, les artisans, les micro-entrepreneurs, les commerçants indépendants ».
Ce droit serait financé par la CSG.
Aujourd’hui, ces propositions ne sont pas encore figées et feront l’objet d’un débat au parlement au printemps. L’une des questions que l’on peut d’ores et déjà poser concerne le périmètre de la cessation d’activité.
Les indépendants économiquement dépendants comme les conducteurs de véhicules avec chauffeurs ou les livreurs sur deux roues ne sont pas concernés par la mesure. Le ministère du travail se penchera sur leur situation dans les semaines à venir.
Le calendrier de cette réforme :
- Le premier temps fort : remise du rapport Ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants, rédigé par l’Inspection générale des finances au gouvernement en octobre 2017.
Ce document a pour objectif de proposer des pistes de réflexion qui puissent répondre aux questions suivantes :
- comment offrir aux travailleurs indépendants une protection adaptée face au risque de chômage ?
- comment intégrer de façon cohérente un mécanisme de protection qui soit en cohérence avec le « système de protection social existant, notamment dans ses interactions avec le régime d’assurance chômage des salariés et avec les minima sociaux, afin d’accompagner les situations de pluriactivité et les transitions professionnelles » .
Ce rapport est un document de travail sur lequel ont pu s’appuyer les partenaires sociaux et le gouvernement.
- Le deuxième temps fort : dialogue et négociations entre les partenaires sociaux
Patronat et syndicats ont pendant 3 mois planché sur la réforme de l’assurance-chômage, prélude nécessaire au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Les partenaires sociaux ont notamment abordé les questions suivantes :
- L’assurance-chômage pour les démissionnaires et les indépendants ;
- Un contrôle accru des chômeurs ;
- La lutte contre la prolifération des contrats courts ;
- L’avenir de la gouvernance de l’Unedic.
Le 22 février, les organisations patronales et syndicales sont arrivées à un accord sur la réforme de l’assurance chômage. Elles ont écarté une indemnisation prise en charge par l’assurance chômage pour les entrepreneurs. En revanche, elles proposent qu’un régime public financé par l’impôt et distinct du régime de l’assurance chômage des salariés, puisse « prévoir le versement d’une prestation spécifique selon un fait générateur strict (liquidation judiciaire) » (Accord national interprofessionnel du 22 février 2018 relatif à la réforme de l’assurance chômage)
- Le troisième temps fort : la discussion au parlement
Selon la Ministre, « Le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres durant la deuxième quinzaine d’avril pour une discussion au Parlement à la fin du printemps ».
A la différence de la réforme du code du travail, ce projet ne fera pas l’objet d’ordonnance. Il emprunterait la voie législative normale. Le texte de loi qui sera voté au printemps devrait affiner davantage les détails de cette réforme.
Une autre mesure importante devra faire l’objet de toutes les attentions : « la mise en place d’un droit pour ceux qui veulent mener un nouveau projet professionnel : créer son entreprise ou changer de métier auquel tient la ministre du travail. Les démissionnaires auront la possibilité de percevoir une indemnisation chômage tous les cinq ans. Cette proposition risque également de susciter de vifs débats parlementaires notamment quant à son financement et à sa mise en place pratique ».
Les répercussions concrètes de ces projets pour les auto-entrepreneurs ne sont pas encore connues à ce jour. Des voix s’élèvent pour alimenter le débat. La Fédération des auto-entrepreneurs s’est ainsi positionnée sur un fonds de soutien économique. En voici les principales lignes.
- La position de la Fédération des auto-entrepreneurs (Fedae) : un fonds de soutien économique
La Fedae, organisme de défense et d’accompagnement des auto-entrepreneurs a pris également part au débat sur l’ouverture de droits au chômage pour les indépendants. Après avoir menée une large étude sur ce sujet, 75 % des auto-entrepreneurs interrogés ont indiqué ressentir le besoin d’une assurance chômage en cas de difficultés.
La Fédération propose la mise en place d’un fonds de soutien économique. Celui-ci serait instauré par étapes :
- « dans un premier temps, un fonds paritaire piloté par les organisations d’auto-entrepreneurs et les organisations patronales donneuses d’ordres pourrait être créé. Seuls les donneurs d’ordres volontaires cotiseraient.
- le pilotage de ce fonds pendant un ou deux ans permettrait de monter en puissance, de voir comment les affiliés réagissent et d’affiner les modèles financiers (notamment en prenant en compte l’occurrence des besoins de financement sur une population donnée)
- dans un second temps, la généralisation du dispositif pourrait être envisagée, en rendant obligatoire la cotisation des donneurs d’ordres et des auto-entrepreneurs, si le modèle est viable et si une majorité d'auto-entrepreneurs est volontaire ».
Selon la Fedae, « le coût de la mesure est nul, dans la mesure où l’Etat n’est pas impliqué financièrement au démarrage”. Son président Grégoire Leclercq, s’est quant à lui, exprimé longuement sur le sujet dans une tribune du Monde : L’envie de faire réussir nos travailleurs indépendants doit guider la réforme de l’assurance-chômage ».
Evo’portail, toujours en veille juridique, reste sur la brèche pour vous tenir informés de l’avancée de ces différentes propositions.
Un sage proverbe chinois nous invite à la méditation : « Immobile, assis sans rien faire, le printemps vient, l'herbe pousse ». Le printemps 2018, quant à lui sera celui des grandes réformes que le gouvernement aura à mener avec le parlement. Les députés et sénateurs ne chômeront pas au mois d’avril. Les lois naîtront comme l’herbe pousse.
Sources :