La livraison à domicile se développe à une vitesse folle depuis ces dernières années. Les plate-formes en ligne telles que Ubereats, Deliveroo, Just Eat… se multiplient comme des petits pains. Les coursiers à vélo ou motorisés ont par là même augmenté. Pour répondre à cette situation, le statut d’auto-entrepreneur a été plébiscité par les livreurs. Une décision de la Cour de cassation du 28 novembre 2018 vient de statuer pour la première fois sur la requalification du contrat liant un livreur, exerçant sous un statut d'indépendant, et un opérateur de plateforme numérique, en contrat de travail. La Cour a considéré qu’il existait un lien de subordination entre le livreur auto-entrepreneur et la plate-forme, de ce fait, cet auto-entrepreneur était salarié de la plate-forme.
Comment la Cour de la cassation en est arrivée là ? evo’portail fait le point sur cette décision importante pour les livreurs auto-entrepreneurs.
Qu’est ce qu’un opérateur de plateforme en ligne ?
Selon l’article L. 111-7 I du code de la consommation, un opérateur de plate-forme numérique est :
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une personne physique ou morale ;
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proposant à titre professionnel, de manière rémunérée ou non ;
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un service de communication au public reposant notamment sur la mise en relation de plusieurs parties ;
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en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
Comment fonctionne une plate-forme en ligne de livraison de plats à domicile ?
L’opérateur d’une plate-forme met en relation :
> des restaurateurs partenaires ;
> des clients passant commande de plats ;
> et des livreurs exerçant leur activité sous un statut d’indépendant, la plupart du temps sous le statut de la micro-entreprise.
Cette relation tripartite, opérateur de plate-forme, restaurateurs, clients a pour point de contact le livreur.
En tant qu’auto-entrepreneur, le livreur est indépendant vis-à-vis de la plate-forme. Il exerce une activité de prestation de services qu’il gère librement.
Que s’est-il passé dans l’affaire ?
Un coursier a conclu un contrat de prestation de services avec une société utilisant une plateforme numérique et une application pour mettre en relation les restaurateurs partenaires et les clients. La plate-forme a mis en place un système de bonus-malus en fonction des courses effectuées par le livreur ainsi qu’un système de géolocalisation pour suivre en tant réel la position du coursier et d'un système de comptabilisation du nombre total de km parcourus.
Le livreur a saisi la justice pour demander la requalification de son contrat de prestation en contrat de travail. La chambre sociale de la Cour de cassation s’est finalement emparée de l’affaire. En qualité de plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, elle s’est prononcée sur la conformité au Droit.
Quelle est la décision de la Cour de cassation, quelles sont les conséquences pour les auto-entrepreneurs ?
La Cour de cassation a réitéré sa position sur le lien de subordination sur cette affaire. Pour elle, l’existence d’un contrat de travail peut être établie dès lors qu’il est démontré un lien de subordination juridique entre le travailleur indépendant, et donc un auto-entrepreneur et la plate-forme qui fait appel à ses services. Si ce lien est démontré, le contrat liant ces 2 parties doit être requalifié en contrat de travail, l’indépendant étant ainsi considéré comme le salarié de la société.
Comment démontrer l’existence d’un lien de subordination entre l’auto-entrepreneur coursier et la plate-forme qui fait appel à lui ?
La Cour de cassation s’est appuyée sur plusieurs éléments de sa jurisprudence antérieure :
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l’existence d’une relation de travail ne dépend pas de la volonté exprimée des parties ou de l’intitulé donné à leur contrat. Au delà du type de contrat, l’existence d’une relation de travail et d’un éventuel lien de subordination est importante. Les juges s’attachent aux conditions de fait dans lesquelles l’activité est réellement exercée.
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le lien de subordination pour être caractérisé doit répondre aux conditions suivantes, l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir :
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de donner des ordres et des directives (exemple : heures de travail et tâches définies) ;
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d’en contrôler l’exécution ;
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de sanctionner les manquements de son subordonné (exemple : pénalités diverses).
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Quel est le lien de subordination d’un coursier auto-entrepreneur et d’une plate-forme numérique ?
La Cour de cassation a considéré que le lien de subordination existe quand :
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un système de géolocalisation est mis en place et permet de suivre en temps réel la position du coursier et de calculer le nombre de km parcouru. Ce système ne se limite donc pas à la mise en relation du restaurateur partenaire, du client et du coursier.
- un pouvoir de sanction : le livreur recevait un bonus ou un malus suivant la qualité de sa course.
Quel avenir possible ?
Cette jurisprudence devrait faire réfléchir les plateformes numériques dans un premier temps notamment sur leur système de contrôle des coursiers. Mais pas de panique pour les auto-entrepreneurs. Cette jurisprudence permettra sûrement d’encadrer et de mieux garantir le statut de l’auto-entreprise. En cas de questions, l’équipe d’evo’portail se tient à votre écoute. La livraison à domicile semble encore avoir de beaux jours devant elle. Les modes de vie actuels, notamment dans les villes, grandes et petites, tendent de plus en plus vers le développement de nouveaux services. L’un des derniers en date est le juicer, chargé de retrouver les trottinettes électriques mises à disposition par les mairies et d’en changer les batteries. Le régime de la micro-entreprise à la fois souple, flexible, juridiquement et comptablement allégés, reste donc l’une des meilleures options pour lancer son activité.
Sources :
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1737_28_40778.html
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_40779.html